1/3 Identification des structures du jeu de tournoi :

J'identifie trois grandes structures du jeu de tournoi :

En premier lieu, les récompenses (payouts) ne sont pas linéaires : contrairement au cash game, la valeur des jetons de tournoi est non-linéaire car on ne gagne qu'en fonction de notre place finale, pas des jetons qu'on accumule à un moment donné.

Généralement 10 à 15% des participants sont récompensés : pas de récompense si on fait seulement top 30%. Non-linéarité.

Exception faite des satellites où les récompenses sont uniformes, on peut ajouter qu'il y a même extrême polarité des récompenses, avec généralement le top 3 prenant une part énorme du gâteau.

Nos stratégies devraient donc clairement être orientés afin de rafler la plus grande part du gâteau possible, et cela peut conduire autant à la patience qu'à l'offensive.

Cela dépend.
Ensuite, augmentation des blinds et enjeux.

L'augmentation des blindes presse les participants vers la sortie : le coût de chaque orbite augmente.

Il est nécessaire de bien en comprendre les implications : le poker de tournoi est une course, plus ou moins pressante en fonction de la structure et de différents moments du tournoi.

En conjonction avec la non-linéarité des récompenses, les enjeux augmentent.

Les payouts étant concentrés au top, généralement de manière polarisée, la différence entre faire 3ème et 5ème sera toujours plus grande qu'entre 30ème et 100ème (par exemple).
Pour faire simple, plus on avance dans le tournoi, plus l'impact de gagner ou perdre la moindre blinde augmente.

Chaque blinde en table finale a plus de valeur qu'aux précédentes étapes du tournoi.

Les stakes augmentent aussi, puisque, par ex, on va jouer en table finale pour des récompenses de l'ordre de 50 buy-ins ou plus : si on prend un tournoi à 100€, on joue une bonne partie du temps pour des récompenses du même ordre (mincash ou élimination), mais une fois très deep on peut très bien jouer pour des dizaines de milliers d'euros (ce n'est qu'un ordre de grandeur).

Ainsi un tournoi peut commencer en low stakes et finir en high stakes, une fois la table finale atteinte.

C'est un point très important, car l'impact psychologique de l'évolution des enjeux est massif, et tous les joueurs sont impactés d'une manière ou une autre.

Typiquement, cela va faire paniquer certains joueurs, et en paralyser d'autres.

Plus on avance dans un tournoi, généralement, plus la notion de scared-money fait sens.

Enfin, élimination. Le poker de tournoi a ceci de particulier que la perte de ses jetons conduit à l'élimination.

En conséquence, contrairement au cash game, en tournoi, on n'a pas tellement le droit à l'erreur.

La notion de risque prend un tout autre sens, car chaque coup critique, chaque erreur, a un impact énorme (on ne peut racheter les jetons qu'on a perdu comme en cash game en somme).

Cependant, tous les participants sont exposés à cette réalité, et ainsi, paradoxalement, cela conduit logiquement autant à la prudence qu'à la folie pure !

Au final, le risque d'élimination augmente notre aversion au risque, mais puisque l'aversion au risque de nos adversaires augmente aussi, on peut tout à fait leur imposer une pression gigantesque.

L'élimination, comme la non-linéarité des récompenses, peut justifier autant la prudence que l'agression : ça dépend.

A partir de trois contraintes énoncés au-dessus, la notion de survie émerge : clairement les contraintes combinées incitent aller le plus loin possible afin de récolter le plus de ressources.

Mais est-elle réellement pertinente, cette notion de survie ? Le tournoi est une course, quelque part quoi qu'il arrive on va mettre son tournoi en jeu.

En termes de résultat, la norme est bien d'être éliminé, donc de mourir, puisqu'on gagnera rarement le tournoi.

Il s'agit de prendre des investissements plus ou moins risqués afin de maximiser l'avancée de nos pions.

Etant donné que le but est d'aller le plus loin possible, il s'agit de faire un arbitrage entre nos possibilités actuelles et nos possibilités futures : 'je prends le risque de perdre des jetons pour en engranger'...mais si je perds trop de jetons je limite alors mes possibilités futures.

C'est un arbitrage à chaque moment du tournoi, à chaque main.

La structure nous pousse en permanence à arbitrer entre survie et prise de risque : le talent revient à considérer les facteurs pertinents au mieux afin d'orienter nos stratégies d'investissement à chaque moment.

Quand gambler ? Quand se retirer ? Il y a quelques années, on parlait de changer de vitesse.

De fait, c'est encore plus subtil que cela.

En tournoi chaque situation est unique, particulière.

La dynamique stratégique est purement relationnelle, il n'y a pas de recette définitive.

Ca va dépendre du tournoi, de votre table, de votre stack effectif.